Comme un 25 décembre – Luce Caron

Note : 4 sur 5.

Michel a invité ses filles à « fêter » Noël. Estelle, l’irrévérencieuse aux avis tranchés, Sophie, la célibataire bobo écolo et Jeanne, la cadette brisée par un drame. Sur le trajet qui les mène à la réunion de famille, chacun appréhende intérieurement les retrouvailles. Fête idéalisée pour certains, obligation pour d’autres, chacun a sa propre vision de cette journée. Heureusement, Monique, la nouvelle compagne de Michel, saura détendre l’atmosphère. Comme elle dit : « Y a que les cons qui changent pas d’amis, mais la famille, c’est pour la vie ! »

Avis

Dans son roman Comme un 25 décembre, Luce Caron nous invite à un Noël en famille, que personne n’a vraiment envie de vivre. Un de ces repas imposés, vécus comme une obligation, où chacun arrive avec ses rancœurs, ses non-dits et son lot de jugements prêts à dégainer.

Michel souhaite rassembler ses trois filles, leurs conjoints et enfants autour de lui à l’occasion de Noël, fête familiale par excellence. Tout ce petit monde converge donc vers son habitation et nous découvrons les pensées de chacun, le temps des trajets en voiture ou en train, au fil du paysage qui défile.

Michel n’est pas vraiment satisfait de la vie qu’il a menée. Après avoir passé 40 ans avec Chantal, aujourd’hui décédée, il est maintenant avec Monique, sa nouvelle compagne, sans pour autant trouver le bonheur. C’est un homme un peu radin, accroché à ses habitudes, qui accumule les vieilleries, radote sans s’en rendre compte et ennuie tout le monde. Ses trois filles adultes n’ont d’ailleurs que très peu de considération pour lui, même s’il reste, malgré tout, le dernier rempart contre la déliquescence de la famille.

Parmi ses filles, il y a Jeanne, qui manie le cynisme avec brio. Elle traverse, avec son mari Renaud, un deuil qui l’a laissée exsangue et peine à reprendre une vie normale. Il y a aussi Sophie, la gentille, qui vit seule avec ses chats. Toujours prête à s’occuper des autres, de son père comme de sa petite voisine Lola (l’enfant qu’elle n’a jamais eu), elle incarne la figure bobo-écolo, attentive et dévouée. Et puis il y a Estelle, toujours énervée, vulgaire, jurant à tout-va. Survoltée, hystérique, sans filtre, elle parle vite, vit vite, et forme avec Vincent un couple détonnant.

À leurs côtés, Monique, la pièce rapportée. Nouvelle compagne de Michel, avec ses expressions “de petites gens” et ses fautes de langage, elle peine à trouver sa place, dans la famille comme auprès d’un homme peu romantique et peu attentif.

Comme un 25 décembre est un roman choral dans lequel chacun prend la parole à tour de rôle pour parler de lui, mais surtout des autres. Et ils ne sont pas tendres! Le style de chacun est si marqué que le texte devient presque visuel. On les imagine très bien, en train de ruminer, de critiquer, de colporter les uns sur les autres. Même au sein des couples, la sérénité semble inexistante. Pas un mot gentil n’est prononcé. Et tout est passé au crible : les cadeaux (malgré les listes envoyées à l’avance), les comportements, le poids pris ou perdu, les vêtements, les valeurs. Tout le monde en prend pour son grade.

Au départ, ces petites mesquineries m’ont fait sourire. Puis, peu à peu, j’ai trouvé cela triste. Triste de voir à quel point la communication est rompue, chacun enfermé dans sa bulle, incapable d’écouter l’autre ou de se mettre à sa place. Noël est habituellement associé à la joie et au partage, mais ici, rien de tout cela. Si Michel s’évertue à rassembler ses filles depuis le décès de leur mère, elles, n’en éprouvent aucune joie.

Le roman est aussi l’occasion d’entrer dans l’intimité de chacun : leurs inquiétudes, leurs regrets, leurs peurs, tout ce qu’ils taisent par crainte d’être jugés. J’ai été particulièrement touchée par Jeanne et par la manière dont son deuil est abordé. Sa difficulté à en parler, son repli sur elle-même, la mise à distance de son mari, l’inconfort des autres face à leur douleur. J’ai apprécie aussi que la parole soit aussi donnée à Renaud, ce qui nous permet d’avoir son vécu et sa vision du deuil.

C’est la première fois que je lis Luce Caron et je découvre une auteure qui dissèque très finement ses personnages, leur mode de fonctionnement et leurs stratégies pour avancer malgré tout. Si une grande partie du roman m’a semblée effervescente et m’a fait sourire, j’ai ressenti la dernière partie comme un soufflet qui retombe. L’auteure y a borde le difficile travail de deuil des parents, ce qui m’a profondément attristée. Je ne m’attendais pas du tout à ce que le roman se termine de cette manière.

Comme un 25 décembre est un très bon roman, porté par une plume précise, qui appuie là où ça fait mal. Une lecture que je vous conseille vivement, même en dehors de la période des fêtes.

Remerciement aux Editions M.E.O. pour cette lecture.


Comme un 25 décembre – Luce Caron – Editions M.E.O. – 2025

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