A travers l’histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dérives d’une époque où l’on ne vit que pour être vu. Des années Loft aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine De Vigan offre une plongée glaçante dans un monde où tout s’expose et se vend, jusqu’au bonheur familial.
Avis
Tout a commencé avec l’émission Loft Story en 2009, puis les émissions de téléréalité se sont multipliées sans que l’on mesure réellement leur impact sur toute une génération.
Mélanie Claux et Clara Roussel étaient adolescentes à cette époque, mais elles ont évolué de façon diamétralement opposée.
Mélanie rêve de célébrité et elle comble son insatiable besoin d’être vue, reconnue et admirée en animant une chaîne Youtube mettant en scène ses enfants Sammy et Kimmy. Tandis que Clara s’engage dans la brigade criminelle et reste éloignée des réseaux sociaux. Deux personnages, aux antipodes l’un de l’autre, qui vont se rencontrer à l’occasion de la disparition de la petite Kimmy, 6 ans, victime d’une enlèvement.
Avec ce roman, Delphine de Vigan met le doigt sur les dérives des réseaux sociaux et de la culture de l’ego. Une société où cumuler les vues, les likes et les stories est devenu gage de réussite et où des parents exhibent leurs enfants comme des trophées. Le phénomène n’est pas nouveau (les concours de Mini Miss ont longtemps existés) mais il s’est accentué avec les plateformes comme Youtube ou Instagram, utilisées par certains parents pour satisfaire leur besoin de renaissance à travers leurs enfants.
Parfaitement ancré dans le monde actuel, l’auteure nous oblige à porter un autre regard sur ces parents youtubeurs qui ne mesurent pas l’impact que cette exposition pourraient avoir sur la vie future de leur progéniture.
Pour autant, Les enfants sont rois n’est pas un essai sur un phénomène de société. Il s’agit réellement d’un roman centré sur l’enquête sur le kidnapping de la petite Kimmy, obligeant les enquêteurs à s’intéresser à ce monde inconnu pour eux. En tant que lecteur, on se prend d’ailleurs au jeu des devinettes en imaginant plusieurs scénarios possibles.
Les personnages sont très réalistes et bien rendus, sans être caricaturaux. Et j’ai trouvé qu’il était intéressant de voir les choses selon leurs différents points de vue. D’un côté, Clara à l’esprit analytique, hyperspécialisée dans son travail et très à l’écoute. Cette enquête l’oblige à sortir de sa zone de confort, elle découvre le monde des influenceurs, avec leur vocabulaire et leur model business. Avec elle, on s’indigne du travail de ces enfants surexposés au regard et au jugement des autres dès leur plus jeune âge. De l’autre côté, il y a Mélanie. Dans le déni total, elle est persuadée de rendre ses enfants heureux, projetant sur eux son propre besoin d’être valorisée. Elle gère sa chaîne Youtube comme une petite entreprise, jonglant entre les contrats, les tournages et les réponses aux commentaires des fans. Tout cela sans imaginer un instant la pression qui repose sur les épaules de ses enfants. Et ce n’est pas la disparition de sa fille qui va remettre en question quoi que ce soit.
Effrayant de justesse, Les enfants sont rois nous fait réfléchir sur le monde dans lequel nous vivons, où la notion d’intimité ou de vie privée n’existe plus. Un roman très intéressant.
Remerciement aux Editions Gallimard pour cette lecture.
Les enfants sont rois – Delphine de Vigan – Editions Gallimard – 2021
Carnet de lecture 
Laisser un commentaire