
D’un point de vue statistique, les fausses couches sont un phénomène extrêmement banal. Elles concernent une femme sur quatre. Pourtant, malgré leur fréquence, les fausses couches sont très mal comprises. Mal comprises par la science (on ne connaît pas la cause) et par la société (on a tendance à minimiser la perte). La plupart du temps, c’est donc dans une solitude extrême que les femmes et les couples vivent ces deuils, en rien proportionnels au nombre de semaines de grossesse.
Ce roman graphique, sous forme de journal intime, nous emmène de ce côté‑là de la barrière. Du côté de celles et ceux qui font des embryons non viables. Ce récit est inspiré de l’expérience de l’auteure. Il retrace le parcours d’une trentenaire qui pensait voir son bébé à l’échographie et qui se retrouve à choisir une méthode d’expulsion du « produit de la grossesse ». Cette femme découvre un monde dont elle n’a jamais entendu parler: la douleur physique dans ce qu’elle a de plus brut, la culpabilisation des autres, la honte de ne pas être de celles qui y arrivent.
Avis
Ce récit visuel est inspiré de l’expérience vécue par Cléa Favre, qui signe les textes, tandis que Kalina Anguelova les illustre, sous la forme d’un journal intime.
Tout commence par un couple, une envie d’enfants et la joie de tomber enceinte. Les amoureux se projettent vers l’avenir mais après, quelques semaines, l’annonce de la mort prématurée du fœtus tombe. Et les parents d’être confrontés à des mots très durs auxquels ils n’étaient pas préparés : évacuation, curetage, expulsion…
Les fausses couches ont toujours existé mais elles ont toujours fait l’objet de non-dits. Qui s’expliquent notamment par le tabou des trois mois de grossesse, qu’il faut garder sous silence. Mais, même si notre société expose de plus en plus cette problématique sur le devant de la scène, il faut bien admettre qu’un grand nombre d’inconnues persistent autour des grossesses interrompues. D’où l’importance de livres comme celui-ci, qui rétablissent la réalité de ce que vivent les parents.
Ce sera pour la prochaine fois est donc un roman graphique. Les mots, les images et les couleurs nous propulsent aux côtés de la narratrice. Elle dévoile sa douleur physique bien sûr, mais révèle aussi l’impact émotionnel (perte de confiance, culpabilité, peur, abattement et rage).
Une souffrance que l’on cache « parce que ça ne se dit pas », la société considérant cela comme une problématique trop intime que pour être dévoilée, alors même que la parentalité est valorisée et médiatisée à outrance. La narratrice partage aussi les réactions de l’entourage, souvent maladroites voire déplacées, qui minimisent la perte d’un enfant.
En lisant ce livre, on prend vraiment conscience des violences que subissent ces parents. Puisqu’il est évident, même si le récit est celui de la maman, que les pères souffrent aussi, bien que différemment.
Un livre difficile mais nécessaire. Et qui donne des clés de compréhension grâce aux témoignages de spécialistes qui donnent des explications et posent des mots clairs sur ce qu’il se produit ainsi que sur les causes.
Les illustrations sont très bien choisies et participent à la mise en valeur du texte.
Remerciement aux Editions Favre pour cette lecture.
Ce sera pour la prochaine fois – Cléa Favre & Kalina Anguelova – Editions Favre – 2022.
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