Comme si de rien n’était – Barbara Abel

Adèle, maman d’un garçon de 8 ans et architecte d’intérieur, analyse tout ce qui l’entoure. Car dans l’existence d’Adèle, chaque chose est à sa place, toujours.
À la sortie du cours de musique de son fils, elle rencontre le nouveau professeur de solfège, Hugues Lionel. Leurs regards se croisent. Hugues est troublé, il reconnaît Adèle, qu’il appelle pourtant Marie. Adèle quant à elle ne le reconnaît pas du tout et ne cache pas son malaise devant l’insistance du professeur. Depuis trois ans, il subit de lourdes déconvenues : la perte de son emploi précédent, une séparation, l’annonce de la maladie de son père… Et maintenant, cette femme. Qu’il pensait ne jamais revoir. Pourquoi prétend-elle ne pas le reconnaître ? A-t-elle oublié ? Que cache-t-elle ?

Avis

Le Quartier des Logis est en émoi lors de la découverte du corps de Mme Moreau, assassinée par son mari, le visage en bouillie. Voilà le prologue de ce roman, plutôt complet. On se demande alors de quoi va traiter la suite du roman puisque toutes les informations importantes nous semblent déjà résumées ici. Mais c’est sans compter le talent de la romancière belge, qui revient sur la période précédent le drame, détaillant tous les éléments qui l’y ont conduit.

Les personnages sont complexes, construits sur un passé douloureux dont ils tentent de se distancier. Se réfugiant notamment dans la discipline et le respect des règles pour espérer avoir une prise sur leur vies. Tout leur équilibre tient là, jusqu’à ce qu’une fissure apparaisse dans cette carapace.

Il y a Bertrand Moreau, le père de famille harcelé étant enfant qui s’est construit à la force du poignet, dont l’autorité ne peut être remise en cause; son épouse Adèle qui donne le change, souriant pour cacher ses problèmes de couple ou ses inquiétudes face au comportement de son fils Lucas tout en osant certaines incartades ; Lucas rêveur mais froid et distant.

Tout ce petit monde va voir son quotidien bouleversé par l’arrivée d’Hugues Lionel, le nouveau professeur de solfège de Lucas. Croyant voir en Adèle un ancien « coup d’un soir de beuverie », il développe une sorte d’obsession malsaine pour la famille Moreau et envers Lucas en particulier.

Comme c’est souvent le cas avec Barbara Abel, Comme si de rien n’était est une histoire de famille, avec des secrets qui apparaissent au grand jour sans que l’on s’y attende. Dans la lignée de son autre roman Derrière la haine, elle évoque ces vies cachées derrière les volets fermés des voisins. Dans ce cas, la relation de dépendance et de domination dans un couple apparemment sans histoire.

La question de la filiation est aussi au cœur de ce roman car le père d’Hugues souffre de la maladie d’Alzheimer. Petit à petit, les pertes de mémoire et oublis se multiplient, jusqu’au visage de son propre fils qu’il ne reconnaît plus. Hugues cherche alors à convoquer les souvenirs de son père, à apprendre l’histoire de sa lignée, lui qui n’a pas d’enfant à qui transmettre son histoire familiale. Et face à la maladie et ses ravages, Hugues est désemparé, ce qui m’a fait penser au roman Le premier oublié de Cyril Massarotto, qui exprime très bien ce désarroi.

Quand une rencontre banale change le cours de plusieurs vies… Barbara Abel démontre encore une fois tout son talent dans ce roman. La tension est constante et nous fait lire plus vite, certaines scènes de violence sont atroces et difficiles à soutenir et puis, on a presque envie d’intervenir dans l’histoire pour mettre les personnages en garde.

Un roman en forme de boucle aussi: l’épilogue répondant au prologue tout en éclairant ce dernier. Du grand art!

Et vous, vous lisez aussi Barbara Abel ? Quel est votre roman préféré?

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Comme si de rien n’était – Barbara Abel – Editions Récamier – 2024

Du même auteur

• Après la fin
• Je t’aime
• Derrière la haine
• Duelle
• Je sais pas
• Et les vivants autour
• Un monde en suspens (avec François De Brigode)