
« La baie entière est noire d’animaux, les bateaux qui les ont rabattus forment une masse compacte dans leur dos, infranchissable, et pour leurs sonars, effrayante ; les hommes tapent contre les coques dans un tintamarre de kermesse, s’époumonent dans des sifflets et des cornes de brume, poussant les cétacés vers le rivage, où les tueurs les attendent. »
Au milieu des cadavres de cette chasse rituelle à la baleine flotte le corps du vieux chef du Grindadráp, couvert d’étranges plaies. Les rumeurs les plus folles se propagent. Et que font sur l’île ces deux militants écologistes de Sea Shepherd, l’ennemi juré ? Se sont-ils vraiment échoués, jetés là par la tempête ?
Avis
Après Okavango, dans lequel Caryl Férey dénonçait le comportement destructeur de l’homme vis-à-vis des animaux du Big Fives en Afrique, il nous emmène sur les Iles Féroé, où se déroule le Grindadráp, une chasse traditionnelle aux cétacés.
Tout commence à bord du Mogway, un bateau de l’ONG Sea Shepherd qui lutte contre le braconnage en haute mer. L’auteur nous propulse au cœur de l’équipage, en pleine opération de sabotage d’un baleinier norvégien qui ne respecte pas les règles internationales. Mais une tempête éclate en pleine mer, qui va provoquer l’échouement du bateau sur les Iles Féroé.
Malheureusement, un partie de l’équipage n’a pas survécu à ce déchainement naturel. Gab et Julia sont les seuls survivants. Choqués par leur mésaventure, il vont alors assister au Grindadráp, une pratique autorisée sur les Iles Féroé pendant les trois mois d’été et pendant lequel environ 800 dauphins sont massacrés. Caryl Férey revient sur l’aspect historique de cette pratique, nécessaire à la survie des habitants au 19e siècle et depuis devenue une tradition. Mais il ne nous épargne rien de ce massacre, ça me retourne l’estomac.
Evidemment, les activistes de Sea Shepherd ne sont pas les bienvenus sur l’ile et les esprits s’échauffent vite. A cela s’ajoutent plusieurs morts, tous liés au milieu de la pêche et au Grindadráp. Mais, avec la tempête qui isole totalement l’ile du continent, le récent chef de la police Soren se retrouve seul à enquêter sur ces morts, avec un jeune adjoint sans expérience, les deux écologistes échoués et Eirika, la rédactrice en chef du journal local, pas plus appréciée de la population.
Grindadráp démontre une nouvelle fois le talent de Caryl Férey pour aborder des thèmes forts et dénoncer les actions insensées de l’humain, qui détruisent son propre environnement. Il se fait ici le relais du combat de Paul Watson pour la protection des baleines, contre la captivité de cétacés dans des parcs aquatiques, contre la surpêche et l’élevage intensif de poissons ainsi que leurs conséquences sur la biodiversité marine. Quand on lit ça, on ne peut pas être fier de faire partie de l’espèce humaine…
L’autre talent de l’auteur français est qu’il nous immerge totalement dans cet environnement. D’abord à bord du Mogway, où j’ai retenu mon souffle à chaque vague qui secouait le bateau, avec l’impression de sentir le froid, le tangage et l’adrénaline. Mais aussi lors du Grindadráp où il ne nous épargne rien de la description du massacre de ces animaux. Et alors que je lis sans sourciller des scènes de torture ou de meurtres dans les nombreux thrillers que je dévore, les images que Caryl Férey a créées dans mon esprit me restent en tête bien après ma lecture.
Les décors majestueux des Iles Féroé font partie intégrante du récit, que l’auteur nous décrit dans le détail. Et si les descriptions prennent à mon gout un peu trop de place, elles ont le mérite de nous permettre de nous imprégner de l’atmosphère unique du lieu. Une lecture qui permet aussi de découvrir le fonctionnement insulaire, les coutumes et croyances religieuses de ce petit bout de terre ainsi que les mythes et légendes qui le peuplent. Un lieu habituellement présenté comme un petit paradis mais dont l’image est sacrément écorchée dans ce roman.
Je ne suis pas convaincue par les personnages, tous très caricaturaux: le Viking misogyne, le directeur tout puissant de la Pêcherie, la journaliste mêle-tout, le policer venu là pour se remettre d’un traumatisme qui se retrouve seul à gérer plusieurs meurtres et qui tombe amoureux d’Eirika.
La chute est assez décevante. Après toutes ces tergiversations, la scène finale est très rapide et résout tous les questionnements comme par magie. C’est un peu facile et donne l’impression qu’elle a été bâclée, d’autant que plusieurs éléments restent sans réponses et d’autres apparaissent comme inutiles à l’histoire.
En commençant Grindadráp, je ne savais pas trop dans quoi je m’engageais, uniquement motivée par le fait qu’Okavango m’a laissé un souvenir positif bien ancré. Finalement, ce n’est pas le coup de cœur auquel je m’attendais mais j’y ai appris pas mal de choses, en plus d’une vision différente sur les pratiques dans cette région du monde. Et ça ne m’empêchera pas de poursuivre la lecture des autres romans de Caryl Férey.
Connaissez-vous d’autres romans qui ont une thématique écologique forte?
Grindadráp – Caryl Férey – Editions Gallimard – 2025
Il me tente vraiment. Pour répondre à ta question, j’aime surtout quand le militantisme est habilement englobé dans l’histoire, sinon ça m’énerve vite parce que, même si je ne doute pas de l’utilité de militer, je lis pour me changer les idées… donc je préfère quand c’est subtil 🙃
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Je comprends tout à fait le besoin de subtilité :)
Je lirai ton avis sur ce roman avec intérêt
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Bonjour, je n’ai pas beaucoup apprécié les personnages de ce roman non plus, vraiment très caricaturaux comme tu l’écris. J’ai lu ensuite sur le même thème Les brouillards noirs de Patrice Gain que je te recommande.
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Bonjour Sandrine et bienvenue sur mon blog!
Merci pour la suggestion, je ne connaissais pas du tout mais je viens d’ajouter le livre à ma wishlist :)
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