Okavango – Caryl Férey

Note : 5 sur 5.

Engagée avec ferveur dans la lutte antibraconnage, la ranger Solanah Betwase a la triste habitude de côtoyer des cadavres et des corps d’animaux mutilés. Aussi, lorsqu’un jeune homme est retrouvé mort en plein coeur de Wild Bunch, une réserve animalière à la frontière namibienne, elle sait que son enquête va lui donner du fil à retordre. D’autant que John Latham, le propriétaire de la réserve, se révèle vite être un personnage complexe. Ami ou ennemi ? Solanah va devoir frayer avec ses doutes et une très mauvaise nouvelle : le Scorpion, le pire braconnier du continent, est de retour sur son territoire…

Avis

Quand on lit beaucoup, comme c’est mon cas, l’esprit trie automatiquement les lectures et ne garde en mémoire que les plus marquantes. Et aucun doute qu’Okavango me poursuivra encore longtemps de ses images.

Tout commence lorsque deux guides accompagnant un groupe de touristes américains trouvent le corps d’un jeune homme en bord de piste, dans la réserve de Wild Bunch. L’enquête est confiée aux rangers en charge de la lutte contre le braconnage. C’est le début d’un incroyable périple dans le temps et dans l’espace, au cœur de l’Afrique australe, le berceau de l’humanité.

Okavango est un voyage dans le temps parce que l’auteur y aborde la guerre en Angola (1975-2002), l’apartheid et la ségrégation imposée aux communautés locales mais aussi la saisie des terres agricoles, entrainant un appauvrissement des populations et leur « reconversion » dans le braconnage pour nourrir leur famille. Caryl Férey évoque aussi l’impact de cette guerre sur les animaux sauvages, pris au piège entre les lignes ennemies, les mines et les clôtures électrifiées, entrainant la mort de milliers d’animaux et le prélèvement sauvage de leurs défenses.

Entre l’Angola, la Namibie et le Botswana, nous suivons le fleuve Okavango et découvrons une incroyable diversité animale, que les Etats ont décidés de protéger en créant des réserves naturelles qui s’étendent sur plusieurs pays, avec des couloirs permettant aux animaux de circuler librement. Objectif : protéger les animaux du Big Fives (lion, éléphant, rhinocéros, léopard et buffle) et les autres, de la chasse illégale.

Mais la tâche des rangers est rude car la vente d’animaux vivants ou morts, et l’exportation d’écailles, de peaux, cornes ou testicules est une véritable industrie. Menée de main de maitre par des réseaux de trafiquants qui n’hésitent pas à jouer sur les croyances ancestrales bien ancrées, à créer de toutes pièces des fake news pour booster la demande d’animaux sauvages et à faire grimper les prix de vente. Les enjeux financiers sont colossaux et les braconniers de mieux en mieux équipés et toujours plus agressifs.

Okavango est un récit ahurissant, la parfaite illustration du comportement destructeur de l’homme, prêt à exploiter la nature sauvage et ses congénères pour de l’argent, sans aucune considération pour la vie.

Mais c’est aussi un très beau roman par la qualité de ses personnages, aux convictions fortes, qui aiment la nature sauvage par-dessus tout et sont prêts à se sacrifier pour la protéger. Les animaux de la réserve de Wild Bunch y sont présentés avec beaucoup d’humanité (on connaît leur nom, leur histoire, leurs habitudes, on ressent leur peur), ce qui nous les rend proches et attachants. Et qui rend ce roman encore plus révoltant.

Okavango est un roman dense, qui nous fait voir une réalité brute et dérangeante, comme un cri de détresse, un appel à l’action. Un roman magistral qui reste en tête bien longtemps après que la dernière page ait été tournée et que je ne peux que vous conseiller.


Okavango – Caryl Férey – Editions Gallimard – 2023

Un commentaire sur “Okavango – Caryl Férey

Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑