
Alors que son père est mourant, l’auteur interroge le destin de cet homme dont il a longtemps eu honte. Arrivé en Belgique dans l’immédiat après-guerre, Gerardo a renoncé à son rêve de devenir avocat, faute de moyens, pour exercer le métier de mécanicien. Malgré l’incompréhension qui les a séparés, ce récit filial rend hommage à son abnégation et à sa force.
Avis
Le point de départ de ce texte est presque banal : un père en fin de vie, un fils qui revient vers lui, qui décide de lui consacrer du temps, de l’écouter, de lui tenir la main.
Dans Le don du père, Giuseppe Santoliquido nous livre un récit très personnel. Celui de son père Gerardo, né en Italie et dont la famille a immigré en Belgique suite aux accords miniers entre des deux pays.
Le petit Gerardo est un bon élève, qui aime apprendre. Encouragé par ses professeurs, il se rêve avocat. Mais la famille n’a pas les moyens qu’exige une longue scolarité. Il va peu à peu s’éteindre, voyant ses rêves s’évanouir sans qu’il ne puisse rien y changer. Et par dépit, quitte l’école pour devenir apprenti mécano dans un petit garage.
« Je me suis fait à l’idée que les enfants de pauvres ne peuvent nourrir de rêves trop chers »
Là où Gerardo n’a pu réussir, par la culture et l’écrit, son fils y est parvenu. Giuseppe Santoliquido, devenu politologue et écrivain, accomplit ce qui avait été ajourné et réunit ainsi leurs destins. Le don du père, c’est ce passage de relais entre deux générations, entre le monde du travail manuel et celui de la culture. Ce que le père n’a pas pu réaliser, le fils le prolonge, dans la continuité et le respect.
Le livre se déploie entre la Belgique et l’Italie, entre Liège et Gallinaro, le village natal du père. Pour moi qui suit d’origine italienne, ces pages résonnent particulièrement. On sourit à l’évocation de cette sorte de grande transhumance qu’était le retour au pays pour l’été, la voiture remplie à craquer, les retrouvailles avec la famille, la lumière particulière et cette sensation étrange d’être de retour « à la maison ». Parce que ce texte aborde aussi la question des racines, celles qui sont et celles que l’on se crée, avec cette sensation bien connue des immigrés d’être un étranger partout. A travers ce récit intime, Le don du père parvient ainsi à toucher à l’universel.
« L’Italie ne m’a rien donné. C’est le pays où je suis né, le pays de mes parents et de mes ancêtres. C’est pourquoi je l’aime, mais par loyauté. Sans vrai amour. Elle est comme une mère qui aurait accouché de son enfant puis l’aurait abandonné. La vie, pour moi, c’est en Belgique qu’elle a commencé. »
L’approche est introspective et l’auteur se livre comme jamais, sondant son attitude sans complaisance. En tant que lecteur, on a mal pour ce papa qui s’est battu pour que sa famille vive bien, qui a fait preuve de courage et d’abnégation pour surmonter les difficultés et ses rêves brisés, et qui se trouve face à un fils arrogant et insultant. Heureusement, la relation père-fils va s’adoucir avec le temps, et à l’âge adulte, dans le regard de ce fils sur son père, c’est l’amour et l’admiration qui transparaissent. Ainsi, écrire devient un travail de mémoire, un geste de reconnaissance: « Écrire pour lui faire face, lui tenir la main ».
La langue est belle, précise, exigeante. Chaque mot semble choisi avec soin, comme pour ne pas trahir la justesse d’une émotion. Giuseppe Santoliquido réussit à insérer de la lumière dans ce qui pourrait n’être qu’une vie d’efforts et de renoncements.
Le don du père est un magnifique hommage à tous les pères qui ont construit dans l’ombre des existences plus libres pour leurs enfants. Un livre qui continue de résonner longtemps après l’avoir refermé, qui nous incite à profiter du temps passé auprès de ceux que l’on aime et à suivre nos rêves.
Un roman autobiographique qui m’évoque aussi le très beau roman de Girolamo Santocono, Rue des Italiens.
Le don du père – Giuseppe Santoliquido – Editions Gallimard – 2025
Je connais l’auteur parce que j’ai fait sa biographie et surtout sa bibliographie sur mon groupe de lecture il y a quelque temps. Tous les 15 jours, je présente un auteur belge.
Sinon, je ne connais pas. Je n’ai rien lu de lui.
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