Ariane – Myriam Leroy

Note : 5 sur 5.

« Quand j’ai eu douze ans, mes parents m’ont inscrite dans une école de riches. J’y suis restée deux années. C’est là que j’ai rencontré Ariane. Il ne me reste rien d’elle, ou presque. Trois lettres froissées, aucune image. Aucun résultat ne s’affiche lorsqu’on tape son nom sur Google. Ariane a vécu vingt ans et elle n’apparaît nulle part. Quand j’ai voulu en parler, l’autre jour, rien ne m’est venu. J’avais souhaité sa mort et je l’avais accueillie avec soulagement. Elle ne m’avait pas bouleversée, pas torturée, elle ne revient pas me hanter. C’est fini. C’est tout. »
Elles sont collégiennes et s’aiment d’amour dur. L’une vient d’un milieu modeste et collectionne les complexes. L’autre est d’une beauté vénéneuse et mène une existence légère entre sa piscine et son terrain de tennis. L’autre, c’est Ariane, jeune fille incandescente avec qui la narratrice noue une relation furieuse, exclusive, nourrie par les sévices qu’elles infligent aux autres. Mais leur histoire est toxique et porte en elle un poison à effet lent, mais sûr.

Avis

Pour celles et ceux qui sont de ma génération, vous souvenez-vous de votre adolescence dans les années 90, sans smartphone ni réseaux sociaux? Cette époque où l’on parlait pendant des heures à nos amis, pendus au téléphone fixe familial? Avec Ariane, Myriam Leroy nous renvoie à l’adolescence qui fut la nôtre. Et si son histoire se déroule dans le Brabant wallon (Belgique), je pense qu’elle pourrait avoir lieu dans n’importe quelle région huppée.

Dès les premières pages, le ton est donné. La narratrice n’a pas sa langue dans sa poche, critique tout et tout le monde, déjà fatiguée de la vie insipide qui lui est imposée et, pire, de celle qui se profile.

« Je m’y ennuyais comme un hamster »

L’analyse de la psychologie adolescente est particulièrement poussée. On sent l’ambivalence entre l’envie d’être comme les autres et de ne surtout pas se faire remarquer, et celle, au contraire, de se distinguer de la masse et d’apparaitre comme quelqu’un d’original, avec de la personnalité. A travers les confidences de la narratrice, on assiste à la construction de ces adolescentes qui se cherchent et copient leurs idoles.

Pour la jeune fille, le premier tournant majeur de sa vie se situe lors de son l’arrivée dans une école « de riches ». Issue de la classe moyenne et d’un milieu conventionnel, elle est alors confrontée à un monde nouveau, fait d’habitudes comportementales spécifiques, où le port de vêtements de marques a toute son importance dans l’intégration de l’élève. Elle ressent la différence entre les classes sociales et manquant de confiance, ne souhaite qu’une chose, être acceptée et faire partie du clan.

La rencontre entre la narratrice et Ariane va bouleverser leur vie. Entre elles va naitre une amitié indéfectible, à l’âge où seuls comptent les garçons, d’abord pour s’en moquer, puis pour s’en faire aimer. Ensemble, elles vont former un duo inséparable et, comme des jumelles, se construire un monde à leur mesure, avec leurs codes, juste elles deux. Et la sensation grisante d’être forte, d’être acceptée et appréciée pour ce que l’on est, d’être comprise par l’autre, de ne faire qu’un.

On pourrait se demander quel intérêt a cette histoire d’adolescence. Pour ma part, j’ai trouvé qu’Ariane était d’une intensité rare en littérature. A une période de la vie où les amis sont si importants et que les émotions sont exacerbées, on vit littéralement l’émoi de la narratrice, de sa joie d’être le binôme d’Ariane au chagrin d’avoir perdu son double et de souffrir par sa faute. Une relation d’amour-haine qui va s’avérer toxique et qui va laisser des trace indélébiles. Ca perce le cœur et ça prend aux tripes.

Je pense qu’Ariane est de ces romans que l’on aime ou que l’on n’aime pas. Le style est incisif, les propos parfois crus et volontairement provocateurs. Cela pourrait choquer voire déranger certains, même si le récit est ponctué de quelques notes d’humour qui nous rappellent cet âge ingrat.

Un roman controversé mais parfaitement d’actualité, totalement abouti, que j’ai reçu comme une claque.

Quelle est votre opinion sur ce roman?


Ariane – Myriam Leroy – Don Quichotte Editions – 2018

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